Le silence est d’or

J’étais affairée à faire la vaisselle quand je l’ai aperçu dans mon allée. J’étais surprise de le voir arriver, à cette heure, un jour en semaine, sans prévenir. Je présumais fort bien la raison de sa venue. L’embarras me gagnait. Je l’ai regardé avancé, tout en attrapant mon torchon. Il portait son polo rose, col relevé, moulant son corps de rugbyman et soulignant ses biceps. Son pas était décidé. 

Tout en m’essuyant les mains, je me dirigeais vers la porte d’entrée où immanquablement il allait frapper. Et malgré que la scène qui se jouait rapidement, j’ai pensé :  “Merci mon Dieu, je suis encore habillée !!!“ 

Il avait à peine frappé que j’ouvrais la porte, le torchon toujours en main. Je ne sais plus si je feignais m’essuyer les mains nerveusement ou si elles avaient encore besoin d’un coup de torchon.

Il a déballé la raison de sa venue, celle là même que j’avais imaginé. J’ai écouté jusqu’à ce qu’il dise : « Les problèmes de l’école doivent rester à l’école ». Et je me suis entendue répondre : « Et c’est pour ça que vous venez chez moi à 20h le soir ». J’étais tellement contente de cette réplique. 

Et puis, il a demandé à parler à mon mari – No comment !

Par chance, il travaillait. J’ai continué d’écouter son bla bla en me réjouissant qu’un combat de coq ne se livre pas sous le regard de mes enfants, à savoir lequel serait le plus… Je sentais que cela aurait pu dégénérer au-delà du supportable.

Après son départ, j’éprouvais de la reconnaissance de ne pas être en petite tenue, d’avoir eu cette magnifique réplique (et pas trois jours après), et que mon mari ne soit pas là.

Avec le recul, je mesure la puissance du silence. J’ai écouté. J’ai dit quelques mots dont je ne me souviens plus. Je n’ai pas surenchéri, argumenté, défendu. Je me suis abstenue de lui rappeler certains faits de son enfant à l’égard du mien dans le passé. Il est partie la queue entre les jambes.

On n’a plus jamais entendu parlé de cette histoire.

Si je vous raconte tout ça, c’est parce que lorsqu’il est parti, je me suis trouvée nulle d’avoir rien dit, rien surenchéris, rien argumenté, rien défendu. Alors que je réalise seulement maintenant que c’était la meilleure chose à faire.

Texte & photo © Nadège Depresle

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *